mardi 20 mars 2018

LE CAHIER HEMA NOIR - chapitre 52


Vittore Carpaccio, Funérailles de saint Jérôme
Scuola di San Giorgio degli Schiavoni, Venise
1502 (détail)



52.
Mélancolie dévastatrice, on ne s’en alarme pas, laisse faire, laisse déferler, alpines & dolomitiennes et cappadociques dégringolades, fonte des noires neiges dans les hauteurs, et par suite trouver refuge auprès de l’orgue baroque dans une petite chapelle de la campagne de Lübeck, lancinante ponctuation de la passacaille buxtehudienne, alvéole nocturne, alcôve clandestine derrière une épaisse draperie rouge & noire, où vient la fée bienveillante & lascive prendre dans ses dix doigts mollement le sexe assoupi et empaumer les boules, et elle presse & malaxe, chuchotant, laisse-toi aller, laisse-moi faire, spermatise-moi les mains, la passacaille distribue sa lancinante lamentation dans le crépuscule, les noires neiges des hauteurs fondent & coulent sur les versants, le Musikus en refait de noirs flocons et les recueille dans sa partition, avec la suie mouillée il trace & répartit des milliers de notes, ordonnancement d’autant de chiures de mouches célestes & sonores, le palmier dans le petit Gottesacker lübeckien s’élève jusqu’au-delà des nuages, aucun oiseau ne montera aussi haut, quand la mélancolie déferle, on laisse faire, assiste muet & aphone à la fonte des neiges, et laisse le palmier s’ériger.



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