mardi 20 mars 2018

LE CAHIER HEMA NOIR - chapitre 51





51.
Disait Cioran avec une voix marmonnante, un peu déraillée, roulant les R, allant de ci delà dans l’appart, d’une pièce à l’autre, d’une étagère à l’autre, mais je les avais, montant sur une chaise, difficilement, il se fait vieux, puis se baissant jusqu’au plancher, pour examiner la planche d’en bas, je les avais, ils n’ont pas disparu, je sais que je les avais, ils étaient là, il erre dans son logis, murmurant d’une voix un peu déraillante, je les avais, ils étaient là, et sans doute côte à côte, un peu défraîchis, un peu jaunis, Broch et Musil, mon Broch de 1958 et mon Musil de 1952, de gros livres, on ne peut pas ne pas les voir, un vert (Broch) et un ocre (Musil), le vert (« Der Tod des Vergil ») avec jaquette, toile blanc cassé sous la jaquette, l’ocre (« Der Mann ohne Eigenschaften ») sans jaquette, d’un moment à l’autre je vais les retrouver, puisqu’ils étaient là, il ne les retrouve pas, déplace la chaise, remonte dessus, difficilement, il se fait vieux, se rappelle très bien que les deux livres (Broch et Musil), sans doute côte à côte, doivent se trouver sur une planche d’en bas, il murmure, je cherche je cherche, roulant les R, je cherche les livres et perds la tête perds la tête, c’était peu de temps avant qu’il ne perde la tête, il n’a plus relu ni Broch ni Musil, les livres sont là, sur une planche d’en bas.


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