peinture Leon Spillaert
vingt-troisième livraison
DE BOL & D’OBOLE
33 notes
(mai – juin 1984)
Lui qui pendant de si longs jours avait végété muet rabougri
dans l'ombre des coulisses, le voilà pour une heure ou deux debout et dressé
sur le devant de la scène, sans trac et sans vergogne, — et tient allègrement son rôle jusqu'au dernier acte, et
lorsque tombe le rideau, il s'effondre, terrassé par sa propre ivresse.
*
Comment il est: énergumène, surprenant et incongru
protagoniste — il est moi, il est à moi, et
pourtant, dans un certain sens il s'ajoute, troisième larron dans le jeu sans
code et sans prix, sublime tiers non exclu... comparse surnuméraire et bienvenu...
*
Cette liasse tout à fait piétonne et fantassine sera aussi et
peu à peu le chantier cratylique pour le Livre; les mots ne s'inventent pas, — ils viennent en écrivant, c'est en forgeant qu'on devient
écrivaillon, viennent au tout dernier instant, lorsqu'il n'y a plus qu'un
millimètre entre la plume et le papier.
*
Les araignées, je le savais, sont sourdes; on connaît
actuellement, dit Yvonne Rebeyrol, 40 000 à 50 000 espèces et on en découvre de
nouvelles tous les jours.
*
Attitudes gestes postures, alors que dehors les arbustes, les
arbres fruitiers sont tout blancs, que les pissenlits clignotent dans les
préverts, alors que plus bleus que bleus les myosotis palpitent de toutes leurs
tiges, alors que mai est là si heureux si tiède si soleilleux — voilà que l'adolescente montre expose offre son corps, elle
s'étire, la rondeur de ses seins s'arrondit, les pointes bourgeonnent contre le
tissu comme pour le transpercer, pendant dix secondes l'univers s'immobilise,
les étoiles de la lointaine nuit retiennent leur souffle — aucune paume en creux ne s'est posée sur le mol
arrondissement, aucune bouche friande n'a humecté les bouts dressés, — le monde est là, le monde continue, mais où va le trouble
quand il s'en va, le trouble de la donneuse qui ne donne pas, du preneur qui ne
prend pas...?
*
Und es war ihnen wie eine Bestätigung ihrer neuen Träume und guten
Absichten, als am Ziele ihrer Fahrt die Tochter als erste sich erhob und ihren
jungen Körper dehnte.
Franz Kafka, Die Verwandlung
*
Attitudes gestes postures, alors que dehors dans la nuit
débutante s'abat avec éclairs et foudre la première averse de ce printemps sec,
alors qu'à l'intérieur dans ce salon cossu ça discutaille politique et
stratégie, verres de rosé de bière d'eau, alors que la fatigue peu à peu
alourdit les paupières et fait courir ses fourmis dans les mollets — voilà que dans le fauteuil profond la jeune femme se
recroqueville, presque foetale, ramenant ses jambes, rapprochant les genoux du
thorax, restant immobile dans une posture tout à fait incongrue inconvenante
inouïe, malgré l'étoffe d'un pantalon tout à fait décent, elle montre expose
offre le fruit ovale fendu humide, elle ne bougera plus pendant quelques
longues minutes, montrant tout à fait ce qu'on cache surtout, le sexe qui n'est
rien qui est tout, puis remet les pieds sur le tapis.
*
Attention, tu devrais savoir qu'en moyenne & en général
ils (eux) sont assez tristes et grisâtres, malheureux et accablés, — alors, les choses du corps que tu (leur) écris, tu sais,
c'est rien pour eux.
*
Reçu les dernières « Inscriptions » de Scutenaire - et lu
cinquante pages d'une traite, précipitamment goulûment; mais freinons, faut
mettre six mois au moins à lire ça, lecture jubileuse, l'esprit mouille et
couilles palpitent.
*
Sur carton de 200 g collé quelques-unes des plus belles;
lignes volumes coloris ombres rayonnements iris vrilles genoux, ô beauté des
genoux, — prestige mythique de l'imagerie: la mort n'a pas de prénom.
*
Rien de tel qu'un Scut pour faire bander du calame. Et dans
ce filon se trouvent aussi les Montaigne, Perros, Brosse, Ponge, Stéfan, Juin.
Et pour la trois millième fois je décide d'écrire quatre heures chaque jour.
*
Suffit d'être un peu attentif pour distinguer de la vulgarité
vulgaire la rebelle - qui sans être belle n'est jamais laide.
*
Confondu je suis, certes, souvent, - mais rarement avec
moi-même.
*
Bander du calame, c'est bien le mot, bandaison qui est une
sorte de fascinante douleur/douceur, le stade virulent du désir, l'envie explicite
de juter, l'encre et le sperme: même chimie.
*
Depuis vingt ans j'achète un livre par jour, simplement
peut-être parce que mon flair manque de génie - mais comment autrement
serais-je tombé sur la poignée d'auteurs qui vraiment comptent, c'est-à-dire
ceux que dans une éééénorme brouette j'emporterais sur l'île déserte, sinon jusqu'au
seuil des Sources Jaunes (où il faudra sans doute la laisser, la brouette — manque de bol & d’obole).
*
Normal qu'il y ait des lacunes, même si elles ne sont pas ici
concrètement documentées par des blancs; quatorze jours de silence sans qu'à l'oeil
nu cela soit décelable d'un astérisque à l'autre. Pour dire que je ne suis pas
diariste, moi. Je hais les diaristes. Ça rime avec séminariste. Et je hais
aussi les séminaristes, qui riment, eux, avec fumistes & onanistes.
*
Sono pronto, ma
pronto a che...? Elle sait et ne sait pas. Elle
est la parfaite disponibilité et la totale interdiction.
*
Son crin qui pousse fort depuis quelques mois et presque tout
à fait ombrage la fente - mais qu'est-ce que j'en sais, je dis ça par
énervement; hanches encore un peu garçonnes, cul qui n'est pas encore au plus
rond de la rondeur.
*
Creo que el fragmento es la
forma que mejor refleja la realidad en movimiento que vivimos y que somos. Mas
que una semilla, el fragmento es une particula errante que solo se define
frente a otras particulas: no es nada si no es una relación. Un libro, un
texto, es un tejido de relaciones.
Octavio Paz, Corriente
alterna
*
De bonne heure travaillé à recharger le cube du compost que
j'avais vidé-renversé il y a quelques jours; j'ai passé le dernier tiers au
tamis, et cela m'a valu un magnifique amoncellement d'humus tout noir que je
mélangerai à une bonne moitié de tourbe; y saupoudrer encore de la farine
basaltique et de la poudre d'os.
*
A quinze ans j'écrivais mon journal à l'encre de Chine, de
peur qu'en cas d'inondation mon écriture s'effacerait — aujourd'hui j'écris avec des encres tout à fait ordinaires,
pisseuses et délébiles et j'ai une autre peur: pas moins que la fin du monde.
*
Et le soir avant de m'endormir, je pense au jardin, aux
fermentations, au labeur occulte des bonnes bactéries, aux macérations
chimico-botaniques, qui vont de soi pendant que je me repose.
*
Vingt ou quarante sublimes notes sexuelles en attente, en
souffrance d'être notées; trouver temps, mais quel temps, l'encre est là, le
papier aussi.
*
Les fantasmes de la mort et des corps, comme s'il y en avait
d'autres. Des milliers d'hommes l'ont mouillée de leurs spermes et elle est
restée vierge.
Claudia Ohana, les plus jolis seins du Brésil. Et personne ne
me dira si le jeune Ulysse couché sur elle a bandé. Le rêve de la jeune et
mélancolique putain. Mais pour Ulysse elle sourit.
*
Sous le ciel de Rome, inoubliablement belle Mancini. Vingt
ans plus tard, on l'aurait vue en soutien-gorge et les cuisses nues; mais là
elle était empaquetée dans des robes sac et des chandails flottants. Son corps
ce n'était que ses yeux et sa bouche.
*
Plusieurs fois par jour je suis allé au tas de compost
plonger la main: pas tiède, mais chaud.
Me rassure et me fascine: les bactéries ne chôment pas.
*
Cette année je n'empoisonne pas les escargots, je les cueille
et les déporte. Bouffez pas ma salade mais bouffez. Ils aiment la jeune laitue,
mais aussi les pourritures; lorsqu'ils grignotent des aliments durs, par
exemple un bout de rhubarbe desséchée, on les entend, vacarme.
*
Toute ressemblance avec des personnes réelles ou vivantes
n'est jamais préméditée et intentionnelle mais toujours inévitable et
nécessaire.
*
La seule émotion à la portée de l’insensible Don Juan:
lorsqu'il se branle en pensant à celle qu'il n'a pas eue et qu'il n'aura
jamais; le reste est mythe et mondanité.
*
De toutes les Vénus jamais peintes, la Maja desnuda est la seule qui ait le ventre plat.
*
Nuestro cuerpo es una machina erótica que produce deseo
'inutil', placer sin objectivo, energia sin función
Severo Sarduy
*
Femme. Femmes. D'un moment à l'autre, quand ça bascule, j'ai
le renoncement facile, - il va de soi sans que j'y touche. C'est le vertige de
la mélasse, carapace et cotte de maille. En moi ça tourne comme du lait au
noir.
Je dois voir Monique: interdiction totale & absolue de
lui parler des femmes, V. n'est pas un sujet, et surtout pas Ch. Qu'elle me
parle de ses images et de ses voyages.
*
Restif, l'adorable fatrassier mièvre obscène fétichiste
incestueux émouvant scribouilleur Restif inscrivait les dates du bonheur et du
malheur sur les pierres de l'Ile de la Cité.
*
Buvant un bol de lait blanc et froid j'ai lu une trentaine de
pages dans « The Garden of earthly delights » de Peter S. Beagle. There is no such place, but this is how it must be, il écrit ça en Californie.
|
1xbet korean | Play Online in KRK
RépondreSupprimer1xbet korean. In this 1xbet зеркало guide you can learn the rules of 1xbet korean. 1xbet korean. How to register and deposit with 1xbet korean.