jeudi 13 juillet 2017

FRAGMENTS DU JOURNAL INTIME DE DIEU - fragment 2303





Fragment 2303 Quand dans le crépuscule sur l’affreuse colline de Golgotha, le crucifié, exténué de souffrance, agonisant, exhala son ultime plainte : Eli, Eli lama sabachthani (mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné), le silence que je fis en réponse à cette question n’a jamais été rompu.
Des milliers et des millions de voix, par la suite, à travers les siècles, ont posé la même question.
Du temps d’Auschwitz, c’était devenu une rumeur qui fit vibrer, presque fissurer la voûte céleste derrière laquelle je me tiens. Le bleu de mon ciel fut atrocement maculé par une sorte de lait tout noir.
La triomphante théologie du Dieu tout-puissant et infiniment bon en fut passablement ébranlée, on se mit à jaser que, vu les événements, je ne pouvais pas être à la fois tout-puissant et infiniment bon ; mais il se trouva assez promptement des docteurs pour amender et renouveler le discours sur Dieu.
Le philosophe Hans Jonas dans son opuscule Le concept de Dieu après Auschwitz (1984) parmi beaucoup de raisonnements tourmentés et un peu confus  écrit cette phrase lumineuse : pendant les années des ravages d’Auschwitz Dieu se tut (…) et n’intervint pas, non qu’il ne voulût pas mais parce qu’il ne put pas.
Cela soulagea considérablement mon malaise.
Et c’est autour de cette idée que s’épanouit une théologie de l’indicible qui expliquait que la grandeur de Dieu n’était pas sa grandeur, que la puissance de Dieu était sa défaillance, et on évoquait que Dieu, pendant ces années-là, s’était effondré en larmes, que Dieu s’était littéralement évanoui, muet et cataleptique.

Doctrine de la Ohnmacht Gottes : Dieu dans les pommes et nous restons dans le champ sémantique des métaphores bibliques, il y a déjà de la pomme au tout début de mon Livre.



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