samedi 24 septembre 2016

Proseries, chap. 89

Enrico Mazzanti, Pinochhio, 1883




89.

On est tout le temps, faut-il encore y insister, faut-il encore le ressasser, on est tout le temps, à cause de la mort, dans la métaphysique la plus épaisse, la plus grossière, mais on prend aussi, inexplicablement, une espèce de malicieux plaisir à exécuter des gestes futiles & insouciants, genre épousseter la surface de la table de travail  avec un soufflet, au lieu de simplement souffler soi-même, arrondissant la bouche, rejetant l’air brusquement fortement, deux trois fois, quand j’ai communiqué ça à Michaux, il s’est cordialement fendu d’un hihihaha tout à fait belge, et pourtant la mort existe, je l’ai rencontrée, c’était en 1883, quand les quatre lièvres noirs, marchant sur leurs pattes arrière, et les oreilles dressées, pénétrèrent dans la chambre, portant sur les épaules un merdique brancard avec le cercueil taillé juste à ma mesure de Pinocchio, métaphysique si épaisse, dans l’air si aérien, sous le ciel si cielleux, et transparent jusqu’à l’infini, faut d’urgence souffler la poussière, nettoyer, faire table rase, remballer les affaires, toutes les affaires, et le bagage, tout le bagage aussitôt s’évapore, et le futile soufflet n’en finit pas de souffler.


inédit
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