photo Lambert Schlechter - album Piccole cose, mars 2014 |
16.
que
‘la neige est aussi un peu bleue’ dessin
au feutre bleu que ma fille a fait à cinq ans j’ai noté en marge sa déclaration
de Schnéi ass jo och e bësse blo c’était le vingt-cinq février mil neuf
cent soixante dix-neuf en noir juste le chapeau haut de forme et la large lavallière
au-dessus de la bouche souriante en guise de nez seule couleur une sorte de
figue rouge vif Bernadette avait vu à Massabielle la dame en robe blanche avec
une ceinture bleue et sur chaque pied une rose d’un jaune éclatant des
foules étaient venues du Bigorre et du Béarn pour voir ça mais ils ne voyaient
rien Boileau en sa douzième satire parle de contes bleus de frivoles
sornettes rupture cordiale arrêt cardiaque et autres fantasmes interruptifs
aussi longtemps que ce ne sont que des mots le danger bien que dramatiquement
palpable reste ludique
17.
c’était
toujours comme ça on ne savait jamais ce qu’il y aurait sur la feuille avant
qu’il y eut quelque chose sur la feuille petites marques sur le tain qui font
bifurquer les images reflétées des grattages presque imperceptibles mais qui
font passer le regard à travers le miroir et font deviner paysages abîmes
peut-être miniatures de paradis avec enchevêtrements de guirlandes fleuries
dessinées en marge bleu rouge et vert au plus profond du sommeil j’émerge dans
mon Chili natal et on me somme de décliner mes noms anciens tour à tour
désuètement araucans napolitains finlandais mais ils ne sauront jamais quel est
le bon côté du miroir adagio cantabile chant de mort de vie flûte traversière
en fa majeur harpe andine nous psalmodie la fin du monde
18.
lors
du bombardement en faisceau de photons il y a en a quelques-uns qui passent mais
la plupart ricochent et s’abîment j’ai longtemps étudié la théorie de la
lumière sans aboutir sans vraiment comprendre mais les zones d’ombre sont
éloquentes cela me convient me console toujours j’ai recherché dans mes études
la consolation et donc la pénombre là rien ne saurait être drôle humoristique
ou seulement divertissant mots imprévus qui font trébucher if I were hungry
enough I would eat a rat if I were angry enough I would kill a cloud tu
t’ébroues puis continues quelques photons passent par la griffure et vont
colorier l’un ou l’autre secteur de l’abîme arrive en pleine nuit sur l’écran
une sms de détresse déclaration d’amour à laquelle on ne peut pas répondre
c’est déjà le silence c’est encore le silence tisserande appelle bouvier
Pourquoi le merle de Breughel
n’est peut-être qu’un corbeau
et quelques
autres consolations
éditions Estuaires, 2008
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