samedi 24 septembre 2016

et quelques autres consolations, chap. 16-18

photo Lambert Schlechter -  album Piccole cose, mars 2014



16.

que ‘la neige est aussi un peu bleue’  dessin au feutre bleu que ma fille a fait à cinq ans j’ai noté en marge sa déclaration de Schnéi ass jo och e bësse blo c’était le vingt-cinq février mil neuf cent soixante dix-neuf en noir juste le chapeau haut de forme et la large lavallière au-dessus de la bouche souriante en guise de nez seule couleur une sorte de figue rouge vif Bernadette avait vu à Massabielle la dame en robe blanche avec une ceinture bleue et sur chaque pied une rose d’un jaune éclatant des foules étaient venues du Bigorre et du Béarn pour voir ça mais ils ne voyaient rien Boileau en sa douzième satire parle de contes bleus de frivoles sornettes rupture cordiale arrêt cardiaque et autres fantasmes interruptifs aussi longtemps que ce ne sont que des mots le danger bien que dramatiquement palpable reste ludique


17.

c’était toujours comme ça on ne savait jamais ce qu’il y aurait sur la feuille avant qu’il y eut quelque chose sur la feuille petites marques sur le tain qui font bifurquer les images reflétées des grattages presque imperceptibles mais qui font passer le regard à travers le miroir et font deviner paysages abîmes peut-être miniatures de paradis avec enchevêtrements de guirlandes fleuries dessinées en marge bleu rouge et vert au plus profond du sommeil j’émerge dans mon Chili natal et on me somme de décliner mes noms anciens tour à tour désuètement araucans napolitains finlandais mais ils ne sauront jamais quel est le bon côté du miroir adagio cantabile chant de mort de vie flûte traversière en fa majeur harpe andine nous psalmodie la fin du monde



18.

lors du bombardement en faisceau de photons il y a en a quelques-uns qui passent mais la plupart ricochent et s’abîment j’ai longtemps étudié la théorie de la lumière sans aboutir sans vraiment comprendre mais les zones d’ombre sont éloquentes cela me convient me console toujours j’ai recherché dans mes études la consolation et donc la pénombre là rien ne saurait être drôle humoristique ou seulement divertissant mots imprévus qui font trébucher if I were hungry enough I would eat a rat if I were angry enough I would kill a cloud tu t’ébroues puis continues quelques photons passent par la griffure et vont colorier l’un ou l’autre secteur de l’abîme arrive en pleine nuit sur l’écran une sms de détresse déclaration d’amour à laquelle on ne peut pas répondre c’est déjà le silence c’est encore le silence tisserande appelle bouvier




Pourquoi le merle de Breughel
n’est peut-être qu’un corbeau
et quelques autres consolations
éditions Estuaires, 2008




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