peinture Giorgio Morandi, 1953 |
chapitre 8
1.
Mon
écriture maintenant, disait Torganov, est orpheline de toi.
2.
En
étudiant la disparition des mammouths, il y a quelques millénaires, on oublie
souvent de mentionner & de regretter aussi la disparition, à tout jamais,
de toutes les espèces de tiques de mammouth.
3.
Ki no
Tsurayuki (872-946) dans son journal Tosa
nikki, ne disait jamais ‘Je’ ; il parle de lui-même à la troisième
personne, disant aru hito : un
certain personnage faisait ceci et pensait cela.
4.
Comment
ma langue, avec fervente lenteur, passionnément, explorait le fabuleux paysage
de sa vulve, millimètre par millimètre, royaume de la pure tactilité, senteurs
& saveurs. Intimité plus intense que la pénétration.
Infinies
pérégrinations par monts & vallées. Dans mes lancinantes souvenances, c’est
une faille océane aux dimensions himalayennes.
5.
Après
le départ de Ma**, j’ai retrouvé son briquet sur la table de la terrasse. Je m’en
empare. Il y a l’image d’un horriblement joli petit chat, qu’importe, ce sera
maintenant mon briquet. Il va me donner plein de petites flammes.
6.
Pendant
trois nuits consécutives, au printemps 1988, Ceronetti rêve de trois femmes
différentes, toutes les trois, dit-il, très affectueuses.
7.
Pour
une lettre tendre & déchirante, Madame de Sévigné disait une portugaise.
8.
Le
narrateur de « Die Verwirrung der Gefühle » de Stefan Zweig a soixante ans, il dit : Ich alter Mann.
Sur la
dernière page de sa « Chronique d’hiver », Paul Auster mentionne son
âge : soixante-quatre ans ̶ et il termine son livre par la phrase : Tu es entré dans l’hiver de ta vie.
9.
Parfois
il suffisait que j’effleure, à peine, ses poils et déjà elle se mettait à
haleter.
10.
Derrière
une infiniment fine membrane invisible, tout le temps là, tout près : l’indescriptible
béance du néant.
AUTRE LIASSE
Le Murmure du monde, volume VIII
inédit
.
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