vendredi 16 septembre 2016

AUTRE LIASSE, chap. 8

peinture Giorgio Morandi, 1953


chapitre 8


1.
Mon écriture maintenant, disait Torganov, est orpheline de toi.

2.
En étudiant la disparition des mammouths, il y a quelques millénaires, on oublie souvent de mentionner & de regretter aussi la disparition, à tout jamais, de toutes les espèces de tiques de mammouth.

3.
Ki no Tsurayuki (872-946) dans son journal Tosa nikki, ne disait jamais ‘Je’ ; il parle de lui-même à la troisième personne, disant aru hito : un certain personnage faisait ceci et pensait cela.

4.
Comment ma langue, avec fervente lenteur, passionnément, explorait le fabuleux paysage de sa vulve, millimètre par millimètre, royaume de la pure tactilité, senteurs & saveurs. Intimité plus intense que la pénétration.

Infinies pérégrinations par monts & vallées. Dans mes lancinantes souvenances, c’est une faille océane aux dimensions himalayennes.

5.
Après le départ de Ma**, j’ai retrouvé son briquet sur la table de la terrasse. Je m’en empare. Il y a l’image d’un horriblement joli petit chat, qu’importe, ce sera maintenant mon briquet. Il va me donner plein de petites flammes.

6.
Pendant trois nuits consécutives, au printemps 1988, Ceronetti rêve de trois femmes différentes, toutes les trois, dit-il, très affectueuses.

7.
Pour une lettre tendre & déchirante, Madame de Sévigné disait une portugaise.

8.
Le narrateur de « Die Verwirrung der Gefühle » de Stefan Zweig a soixante ans, il dit : Ich alter Mann.

Sur la dernière page de sa « Chronique d’hiver », Paul Auster mentionne son âge : soixante-quatre ans   ̶  et il termine son livre par la phrase : Tu es entré dans l’hiver de ta vie.

9.
Parfois il suffisait que j’effleure, à peine, ses poils et déjà elle se mettait à haleter.

10.
Derrière une infiniment fine membrane invisible, tout le temps là, tout près : l’indescriptible béance du néant.


AUTRE LIASSE
Le Murmure du monde, volume VIII

inédit


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