mercredi 28 septembre 2016

et quelques autres consolations, chap. 19-20

Breughel, Hiver



19.

faut être belge pour avoir le surréaliste culot de baptiser une gazette Ultima Hora moi de mon côté vais persévérer dans mes occupations menuisières construire pour l’éternité des petits meubles sur quatre pieds à trois planches étroites joliment poncées & vernies lack-lasur dunkelnussbraun bibliothèques naines à hauteur de mi-cuisse propices aux classements sévères pour la sélection de quelques lectures ultimes & ultimatives mais ce sont des élans artisanalement eschatologiques sans cesse contrariés par des soucis domestiques incontournables après les martèlements et les ponçages c’est la confection d’une soupe dite verte aux poireaux courgettes cresson persil oseille oignon patate pour les jours à venir se nourrir se chauffer arriver sain & sauf à la dernière heure



20.

dehors la désolance d’hiver monarchie du monochrome seuls remous dans la paralysie des ramures une solitaire criarde pie neurasthéniquement affairée pour on ne sait quelles affaires noir & blanc sans but & sans conséquence elle vole balourde veule et veuve et sans talent on croit toujours que décoller elle va pas y arriver je hais la pie elle est chafouinement autistique & intrinsèquement mauvaise si elle était humaine elle serait tchékiste enverrait cynique trépasser dans le permafrost tous les merles du canton pour dissidence artistique merles d’hiver merles d’été cela fait des mois que je n’ai plus vu de merle le seul merle que je vois encore est perché transi sur une haute branche dans une sale saison de l’année 1565 au coin d’un tableau breughélien mais ce n’est peut-être qu’un corbeau au moins ce n’est pas une pie certainement pas puisque Breughel encore plus que moi avait la haine des pies



Pourquoi le merle de Breughel
n’est peut-être qu’un corbeau
 et quelques autres consolations
éditions Estuaires, 2008


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