Breughel, Hiver |
19.
faut
être belge pour avoir le surréaliste culot de baptiser une gazette Ultima
Hora moi de mon côté vais persévérer dans mes occupations menuisières
construire pour l’éternité des petits meubles sur quatre pieds à trois planches
étroites joliment poncées & vernies lack-lasur dunkelnussbraun bibliothèques
naines à hauteur de mi-cuisse propices aux classements sévères pour la
sélection de quelques lectures ultimes & ultimatives mais ce sont des élans
artisanalement eschatologiques sans cesse contrariés par des soucis domestiques
incontournables après les martèlements et les ponçages c’est la confection
d’une soupe dite verte aux poireaux courgettes cresson persil oseille oignon
patate pour les jours à venir se nourrir se chauffer arriver sain & sauf à
la dernière heure
20.
dehors la
désolance d’hiver monarchie du monochrome seuls remous dans la paralysie des
ramures une solitaire criarde pie neurasthéniquement affairée pour on ne sait
quelles affaires noir & blanc sans but & sans conséquence elle vole
balourde veule et veuve et sans talent on croit toujours que décoller elle va
pas y arriver je hais la pie elle est chafouinement autistique & intrinsèquement
mauvaise si elle était humaine elle serait tchékiste enverrait cynique
trépasser dans le permafrost tous les merles du canton pour dissidence artistique
merles d’hiver merles d’été cela fait des mois que je n’ai plus vu de merle le
seul merle que je vois encore est perché transi sur une haute branche dans une
sale saison de l’année 1565 au coin d’un tableau breughélien mais ce n’est
peut-être qu’un corbeau au moins ce n’est pas une pie certainement pas puisque
Breughel encore plus que moi avait la haine des pies
Pourquoi le merle de Breughel
n’est peut-être qu’un corbeau
éditions Estuaires, 2008
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