photo Lambert Schlechter - album Piccole cose, mars 2014 |
10.
apte
ni à la grâce ni à la pesanteur je n’ai jamais touché la terre que par furtive
tangence fredonnant fados fatigués mal fagotés grésillement dans les synapses
ça va très mal se terminer au carrefour de ces mitoyennetés louches et miteuses
ma farlouse préférée est partie en migration dans les bambous d’un Nil nubien
mais la fée d’hiver a mal veillé sur moi frequently asked questions envie
de lâcher j’ai fait le tour des questions ça déborde débordamment toutes les
réponses se valent et aucune ne vaut je tournicote dans le tournis d’un
soliloque de pacotille faut peut-être continuer à croire que la carotide est
solide je vais sans doute me retirer dans une Belgique idéale & apocryphe
imaginée par Bachelin au détour d’un syntagme turquoisement tourmenté puis
décide malgré tout ça lâchement de ne pas encore lâcher
11.
se
rameutent les lapideurs brandissent & vocifèrent mais il y a espoir que des
murs & des lois protégeront les prisonniers tendreté d’un songe d’abri à considérer
l’art des chenilles lieuses qui lient avec des fils de soie plusieurs feuilles
à en former un paquet au centre duquel est la loge du petit ermite hors de
portée des porteurs de piques et gourdins les hurlements s’évanouissent au loin
le cœur peu à peu se remet à battre calmement on pense au sang qui circule par
ses canaux familiers le sang fait son vital travail invisiblement le sang ne
viendra pas à la surface le sang transite par pulsations du centre aux
périphéries et revient & repart quand ça va très mal j’évoque pour l’image
consolante le travail des chenilles lieuses
12.
en
pleine miraculation je suis à chaque instant et j’en suis conscient tout ce que
je vois tout ce que je vis mon regard anticipatif fonctionne par rétrovision
pour focaliser sur un présent miraculeux la notion même de miracle j’ai dû la
dérober aux crédules cagots et la recycler dans la petite tragédie portative
que je me trimbale en bandoulière avec mes deux bananes et mes trois mandarines
d’un étage à l’autre d’un immeuble en sursis bouts des doigts fripés comme si je venais de traverser l’Atlantique
à la nage échappant ne sais comment à une catastrophe mais abîmé nicht
unversehrt une dégradation due peut-être à l’âge car maintenant il y a tout
le temps cette question-là je me guette question de la carcasse et toute la
tuyauterie membranes glandules fibrilles comment savoir à quel endroit les
allégoriques plombs vont sauter
Pourquoi le merle de Breughel
n’est peut-être qu’un corbeau
et quelques
autres consolations
éditions Estuaires, 2008
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