Fragment 2089 --- Aux premiers
temps après la mort de Jésus, sa perpétuation par mise en langage était encore
gérable : on se racontait ce qu’il avait fait et dit. Puis plusieurs
scribes se mirent à leur pupitre pour noter tout ça. Et on ne disait
plus : On raconte que… – mais : C’est écrit que…
Puis Paul de Tarse s’en mêla, et
sur son pupitre à lui il remplit feuillet sur feuillet, pour expliquer que
Jésus était Dieu. Et par la suite, pour les théologiens des générations à
venir, ce fut un indescriptible casse-tête.
Le Nazaréen, à la fois homme et
Dieu ? Nature humaine et nature divine dans la même personne ?
Dans le sublime monothéisme
égypto-hébreux, rien de ces complications-là n’avait été prévu, quelle
embrouille.
On dut avoir recours aux
subtilités hautement abstraites des langues grecque et latine, faisant des
larcins chez Parménide, Platon, Chrysippe, Plotin, et j’en passe.
Et cela fusait dans tous les sens
– sauf qu’il ne fallait pas que ça fusât dans tous les sens.
La théologie des premiers siècles
était un chaos foisonnant de doctrines diverses divergentes contradictoires
incompatibles. Les plus hautes instances de l’Eglise tentaient sans cesse de
mettre de l’ordre et de la suite dans les idées, ; elle intervenait
lourdement dans les rivalités doctrinales et traçait un pointillé pointilleux
et sévérissime entre les thèses à admettre et celles à rejeter. Pendant des
siècles, de conciliabule en conciliabule, de concile en concile, la bataille
des mots fera rage.
Le combat contre l’hydre des
hérésies fit monter le schmilblick de la théologie à des subtilités de plus en
plus aériennes, éthérées & abstruses.
Jésus, à la fois humain et divin ?
En tant que humain, il a la
volonté libre, il a la liberté, par exemple, celle de pécher : posse peccare.
En tant que divin, il n’a pas
cette liberté, il n’a que la sainteté, il ne peut pas pécher : non posse peccare.
Jésus, au sortir de l’enfance, arrivant
à l’âge où les péchés commencent à se commettre : aucun théologien ne s’est
posé la question si ce garçon n’a pas fantasmé sur une jeune beauté du village
en se branlant dans la pénombre de sa chambre.
Moi en tout cas, à cette époque
lointaine & primordiale où je façonnai le corps d’Adam, je me souviens du
plaisir que j’avais pris à concevoir ce prodigieux organe à jouissance, ne me
posant à aucun moment la question si plus tard ils appelleraient cela péché.
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