peinture de Leon Spillaert |
chapitre
9
1.
Le minuscule insecte d’un
millimètre et demi qui trotte sur mon feuillet a une force physique
inouïe ; pour pouvoir continuer à travailler sans le mettre en danger, je
lui souffle dessus à pleins poumons, il s’agrippe et reste en place, puis,
l’ouragan étant passé, il se remet tranquillement à cheminer. Pour lui la
surface bien lisse de mon feuillet doit être un vaste territoire accidenté,
plein de crevasses et de ravins.
Il ne sait rien de moi et moi je
ne sais pas ce qui se passe dans sa caboche.
Nous habitons la même auberge. La
même galaxie.
2.
VIE D’UN POÈTE AU XXe SIÈCLE — Jan Zahradníček est né
le 17 janvier 1905 à Mastnik en Bohême. De 1940 à 1948 il dirige la revue «
Akord », d’orientation catholique. Entre 1930 et 1948 il publie sept recueils
de poésie. En 1951 il est arrêté par la police secrète du régime communiste et,
dans un procès truqué, condamné à 13 ans de prison pour complot contre l’Etat
et haute trahison. Sa traduction de la « Divine Comédie » ne peut pas paraître
sous son nom. En 1956 il est libéré après la mort
accidentelle de ses deux filles, intoxiquées par des champignons. Après quinze
jours il est ramené à la prison. Quatre ans plus tard, en 1960, à cause de sa
santé très précaire, il est amnistié. Après trois mois de liberté il meurt, le
7 octobre 1960.
En 2002, Peter
Král traduit et publie deux de ses poèmes dans « Anthologie de la poésie
tchèque contemporaine », collection Poésie/Gallimard.
3.
Pour ce qui est de la guerre, le
général américain Curtis Le May avait tout compris : If you kill enough of them, they stop fighting.
4.
Cette bribe de valse d’Eleni
Karaindrou, infiniment mélancolique, c’est une guirlande à suspendre dans le
crépuscule d’été pour que la luciole de l’âme vienne s’y prélasser quelques
instants avant de s’éteindre. (pour
Astrid)
5.
La délégation du département de
la justice vient au palais demander des instructions à l’empereur, à propos de
ce poète insolent et lascif. Auguste est à sa fenêtre, tout songeur, à
contempler dans le jardin le rhinocéros impérial se vautrer dans la mare
fangeuse. L’empereur reste muet, mais sans se retourner fait un geste énervé
avec le bras. Plus tard dans la journée, au département de la justice, on
interprète ce geste comme signifiant : Hors
de ma vue !
Ovide est exilé pour le reste de
sa vie dans la sinistre & barbare bourgade de Tomi au bord de la Mer noire.
6.
Pour ce qui était du Vietnam, le
général américain Curtis Le May avait tout prévu : We’re going to bomb them back to the stone age (dans son
autobiographie publiée en 1965).
7.
Ich
bin in einer kurzgeschlossenen Verkabelung mit ihr, sagte
er mir habe er gesagt.
8.
Désormais il n’y aura plus ces
énervantes fines paillettes de cendres de tabac sur ma table de travail :
je viens d’acheter un petit soufllet qui souffle souffle.
Faudra examiner si cela
fonctionne aussi pour les courageuses minuscules bestioles.
9.
Quand je redescendis dans mon
bureau après ma sieste, Astrid était partie. Sur ma table un billet : Je suis aux prunes. Le soir elle prépara
de la compote.
10.
T’ao Ch’ien (365-427), assez tard
dans sa vie ̶ alors que le ciel est froid et longues les
nuits et que les oies migrent vers le sud dans la désolation des rafales de
vent ̶ écrit un long poème composé de trente et un
distiques intitulé « Elégie pour moi-même ». Dans l’introduction à
son triste & funèbre texte, il note : Moi, maître T’ao, j’aurai bientôt à quitter cette auberge de voyageurs
et retourner pour toujours dans ma demeure d’origine.
AUTRE LIASSE
Le Murmure du monde, volume VIII
inédit
.
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