mercredi 21 septembre 2016

et quelques autres consolations, chap. 4-6

photo Lambert Schlechter - album Piccole cose, mars 2014



4.

naviguent banquises princièrement imperceptible tangage fantasme du dernier périple mais les banquises on le sait vont toujours vers le sud vers la fonte l’égarement à la fin il n’y a plus que de l’eau glacée puis tiède puis chaude propice aux rapaces & prédateurs pour la noyade il y a donc des dilemmes tergiversons ça peut servir et vogue la chaloupe louvoie la felouque tu vas te prendre dans le fouillis des roseaux caché camouflé il y aura un nid de joncs & de plumes quel bonheur pas vu pas pris après la menace glaciale voici la planque des tropiques amitié de l’ibis & du caïman oui j’irai oui tu iras c’est un songe togolais bel abri sous des solives mordorées depuis l’enfance on a toujours fait ça construire des cabanes bonne paille


5.

enracinement privilège des plantes n’avoir pas de chemin pas non plus de lexique la fougère & l’acacia n’ont rien à expliquer la rose est muette souverainement ohn warum seule mystique envisageable on trébuche dans la caillasse par monts & par vaux ascension dévalement puis campement dans la plaine yourte pendant quelques jours avant la tourmente de sable de neige puis il faut encore décamper mansarde au trente-sixième dans la trente-septième avenue ou gîte illusoire sous un grand tilleul puis chambre neuf hôtel de la Poste à Clamecy où clamecer à l’ombre d’une bonne fougère pour la narquoiserie des mots mon vieux tilleul depuis un siècle fait tranquillement son voyage d’hiver à nada


6.


ibis revient à la charge harcèlement tape avec son bec contre la vitre au risque de la briser et faire déferler de torrides chaleurs dans la glacière qui me sert de mansarde drôle d’oiseau presque omniscient à ceci près qu’il ne sait pas qu’il porte un nom de langue morte ça lui donne cette terrifiante innocence je me force à faire semblant de ne pas comprendre ce qu’il veut me signifier par son tapage le mystère des animaux c’est encore & toujours qu’eux ne savent rien de leur mystère ils évoluent avec souveraine désinvolture nous vaquons à nos affaires eux vaquent à l’existence nous ne sommes que tragiques eux sont sublimes même les plus insignifiants comme ce minuscule gloméris cloporte détritivore à soixante-quatre pattes qui en danger de mort se roule en boule et se fait nonchalamment picorer par un volatile granivore


Pourquoi le merle de Breughel
n’est peut-être qu’un corbeau
et quelques autres consolations
éditions Estuaires, 2008




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