Léon Spillaert, peinture, 1921 |
chapitre XVIII
1.
Mes truismes, je les formule, comme pour projeter
des ponts de fortune au-dessus des gouffres de l’ignorance et de l’inconnaissable.
2.
Dans la chambre du solitaire — Paul
Léautaud, dans sa piaule mal chauffée à Fontenay-les-Roses, en 1941, la petite guenon
affalée sur le radiateur, la chienne Miss sur son sofa et vautrés sur elle
trois ou quatre chats, le chien Toto au pied du lit, trois ou quatre chats sur le lit et un ou deux dans le lit, la chienne Babette est dans
la pièce annexe, derrière un grillage, de temps en temps la guenon accepte que
l’un ou l’autre chat vienne s’étendre à côté d’elle sur le radiateur.
3.
Au lycée, les taches qu’on pouvait parfois
voir sur le pantalon d’un camarade, nous les appelions Jonggeselleflecken, taches de célibataire.
4.
A Rome, au
matin du 11 janvier 1581, Montaigne monte sur son cheval pour se rendre à la
banque et en route il tombe sur un cortège avec des gens masqués et
encapuchonnés qui conduisent le brigand Catena à la potence. Cet homme qui a tenu en crainte toute l’Italie, a été
condamné pour meurtre, notamment de deux capucins auxquels il avait fait renier
Dieu.
Il est
conduit sur une charrette, assisté de deux moines qui le prêchent, et l’un d’eux lui présente continuellement sur le visage
et lui fait baiser sans cesse un tableau où est l’image de Notre Seigneur.
Devant la
potence, une poutre entre deux appuis, on
continue à lui présenter le crucifix, jusqu’au moment où le bourreau le pousse
pour le faire étrangler par la corde. Ensuite ils détachent le cadavre et l’écartèlent,
on le détrancha en quatre quartiers.
Montaigne
qui fait noter tout cela par son secrétaire dans le « Journal de voyage »,
fait remarquer qu’entre Rome et la France il y a une différence en ce qui
concerne le traitement des condamnés à mort : Ils ne font guère mourir les hommes que d’une mort simple, et exercent
leur rudesse après la mort — pour dire qu’ici,
contrairement aux pratiques françaises, on ne torture pas le criminel avant sa
mise à mort.
Mais il faut
rappeler que, de la part de l’Église, une des principales censures que les
inquisiteurs avaient prononcées contre les « Essais », c’était que
Montaigne s’y était élevé contre la torture. Ils lui demandèrent d’enlever le
passage où il fustigeait tout ce qui, dans le châtiment, allait au-delà de la mort simple. Pour l’Église du XVIe
siècle il est inacceptable qu’on n’accepte pas la torture.
Montaigne,
dans son livre, n’a jamais enlevé le passage incriminé.
5.
Les lettres
à Strik, de la 303e à la 880e, ont été détruites — ce n’est pas
une raison de ne pas les reprendre.
6.
Ed è subito
sera — Salvatore Quasimodo
7.
Je n’ai jamais su apprendre par cœur un seul
poème, mais je trimbale des centaines de vers (isolés), quintessence de poésie,
saisir le noyau incandescent & insaisissable de l’existence, caractériser
des situations cruciales de la vie, irradiations qui vont au-delà de la mort.
8.
Ces jours-ci il a fait grand soleil, et
soudain le Soir.
9.
881e lettre à Strik — Sur la
solitude, sur la chute définitive dans la solitude, sur les rayons du soleil et
sur le crépuscule, sur la nuit qui s’annonce, sur le noir de la nuit, sur l’inanité
des aurores, sur le silence, das
Schweigen das Verschweigen das Verstummen, et toutes les syllabes qui vont
encore frétiller dans les franges du silence.
10.
Le rayon du soleil comme métaphore. Abusive
& dramatique. Un rayon ne transperce pas, ce n’est pas une dague. Sauf
quand ça vous arrive.
Ognuno sta solo sul cuor della terra
trafitto da un raggio di sole
ed è subito sera
trafitto da un raggio di sole
ed è subito sera
LA LIASSE DES DIX MILLE FRAGMENTS
inédit
.
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