Blanche
pluie de confettis, il neige des feuillets, il y a dix mille ans ou maintenant,
qu’importe, et le calame gratte ses pattes de mouche, pendant que grain après
grain le sable dans le sablier quitte le vase d’en haut pour le vase d’en bas,
et ligne après ligne sur le feuillet, le calame trace la suite de l’inénarrable
roman, tandis que le merle sur le faîte du toit ou le pinson dans la cage métallique
s’égosillent, pur son dans un patois sans mots, le scribiteur peaufine
inlassablement son Trionfo della Morte, variances toujours reprises du même
éloge soleilleux et macabre de l’heureuse vie malheureuse, un cœur qui bat, un
sourire qui éclot, une larme qui coule, et la blanche pluie des feuillets tombe
monotonement muettement dans le paysage sans repères, le scribiteur écrit comme
il respire, écrit billet après billet, et les billets tombent comme les grains
de sable dans le sablier, et le merle s’envole, et le pinson quitte la cage, la
terre n’est qu’un bilboquet qui fait des simagrées, et pendant ce temps le
temps passe, encore dix mille ans qui tombent dans la trappe, et le scribiteur
essaye de maîtriser le roman de la vie, il y place une cage et un sablier, et
un égosillement, et une blanche pluie de confettis, j’écris feuillet après
feuillet mon Trionfo della Morte, un jour tu me liras, feuillet après feuillet,
milliers de feuillets, et parfois tu auras un sourire, et parfois une larme.
"Kafka à la Fenice", improbables péripéties
chapitre 49 - inédit
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