mardi 28 octobre 2014

La promenade






Il ne sait pas et elle ne sait pas où ils vont, ils marchent lentement, sans but, le sentier longe la bruyante autoroute puis bifurque vers les potagers du faubourg, il pense à ce qu’il pourrait dire, elle pense à ce qu’elle pourrait dire, ils ne disent rien, ils marchent lentement côte à côte, le ciel est couvert, il fait frais, ils ne rencontrent personne, elle pourrait dire : je ne sais encore rien, presque rien de toi, sur la plante flétrie accrochée à un tuteur il reste quelques tomates, quelques-unes pourries, une cinquantaine de petits escargots, encapsulés, ont colonisé le vieux poteau, les bruits de l’autoroute commencent à s’estomper, il pourrait dire : écouter Gesualdo pendant que je vais & viens en toi, un ruisseau canalisé traverse le potager, l’eau gargouille, ils marchent lentement, parfois, par hasard, leurs mains se touchent, elle pourrait dire : est-ce que tu vas un peu rester avec moi ce soir, est-ce que tu as envie de goûter le goût que j’ai, un grand chien sans maître, traînant sa laisse, court vers eux, les dévisage, puis poursuit sa course, en présence du chien, leurs mains s’étaient serrées un moment, il pourrait dire : lécher tes orteils un à un, te demander ton prénom, aller avec toi en Patagonie, la cloche du soir sonne, ils quittent le sentier pour raccourcir le trajet du retour vers le parking, traversent les rails du chemin de fer, juste à l’instant où passe le train à grande vitesse.


"Kafka à la Fenice", improbables péripéties
chapitre 50 - inédit



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