Paul Ribeyrolle, Hommage à Courbet
chapitre
24
1.
Ce
qui m’importe est les images ― Louis Scutenaire, « Mes
inscriptions »
2.
Dans « Letters to
Yesenin » (1973), lettre 12e, Jim Harrison mentionne ce gamin
qui sees his first dirty picture… Quand
il dit ça, il veut dire : une femme nue, puisque cette première image
remonte à l’enfance, et cela déclenche un crucial questionnaire, c’était quand
cette première image et comment était-elle et dans quelles circonstances
a-t-elle été vue ?
Ce n’était sans doute pas une photo
mais très probablement la reproduction d’une peinture, puisqu’en peinture il y
a un inépuisable trésor de féminine nudité.
3.
Qu’il
n’ait pour ainsi dire pas de sourcils, me semble comme la totale absence d’animalité
dans son être, note Cosima Wagner au matin du 27 juillet 1878 à
propos de son époux.
4.
Pour un questionnaire
maxfrischien :
― Quand et comment te rends-tu
compte de la différence entre garçon et fille ? Très tôt. J’avais une
petite sœur, de trois ans ma cadette ; j’ai dû voir son sexe, quand ma
mère lui faisait prendre son bain ou la langeait ; n’en garde aucun
souvenir. Mais l’information était enregistrée.
― Te souviens-tu de ton premier
émoi sexuel ? Non, évidemment non. Et quand l’émoi se fit, je ne savais
pas que c’était sexuel.
― En quoi consiste, dans
l’enfance, un émoi sexuel ? Une curiosité pour les choses du corps. Un trouble.
― Te souviens-tu de la première
fois où tu te l’es fait ? Oui.
5.
C’était leur première rencontre, le
jeune homme fit irruption dans la pièce où Russell était en train de prendre
son thé, il se présenta : Loot-vig
Vit’gun-shteyn, il ne parlait pas encore la langue anglaise, mais refusa
par la suite que l’entretien se fît en allemand.
Et il y eut encore beaucoup d’entretiens,
Wittgenstein revint presque chaque jour, et les échanges duraient jusque tard
la nuit. Selon l’Autrichien, rien d’empirique n’était connaissable, on ne peut
pas énoncer, philosophiquement : il
n’y a pas de rhinocéros dans ce salon, Russell avait beau examiner tous les
coins et recoins, sous les chaises et sous les tables, rien à faire, impossible
de convaincre Loot-vig.
6.
Première fois que tu regardais,
avec un tout début de trouble délectation, les seins d’une femme, les seins nus
d’une femme nue ― la signalisation, l’emblème de la nudité, cela devait être
cela : les seins, en peinture ― une Diane de Boucher, une baigneuse
de Renoir, une Vénus du Titien.
(J’ai versé de mon sperme, à
quatorze ans, sur les seins d’une Diane de Boucher, les bouts très roses, rose
foncé, presque rouges, ― et de même, à plusieurs reprises, sur une gravure du
XVIIIe siècle intitulée « La Comparaison », sur un feuillet
hebdomadaire du calendrier d’art Hyperion, montrant deux jeunes femmes dans un
boudoir, corsages largement ouverts, se montrant mutuellement leurs seins.)
(Je ne me suis jamais, dès le
début, branlé que devant des images, y compris celles de l’aimée, quand elle
était loin.)
(Je ne suis jamais parti pour un
voyage solitaire sans emporter une provision d’images.)
Et quand l’aimantation vers le
ventre, vers la fourche des jambes, plus tard, commence à se manifester, la
peinture le répond plus. Il n’y a pas de sexe féminin en peinture, ni en sculpture.
Il y a l’ineffable infinie beauté
des femmes dans les beaux-arts, mais pas leur sexe. Pas la beauté de leur sexe.
7.
Champignons
gris pâle dans la sapinière : parles-en, décris-les, cela deviendra un
poème. — Sylvia Plath
8.
Nus ils étaient, l’homme et la
femme, nus dès le premier instant. Nus ils sont sortis des mains façonneuses du
Créateur.
C’est Dieu qui a inventé la
nudité, par défaut, par manque d’imagination, par épuisement de la créativité.
Après avoir donné des écailles au brochet et à la truite, au lézard et à la
tortue, des plumes à la mésange et à la grue cendrée, de la laine au mouton et
au lama, de la fourrure à l’ours et au renard, des épines au porc-épic et à
l’oursin, il était à bout d’inventivité, et c’est ainsi que pour couvrir Adam
et Eve, il ne fit rien. Il les laissa nus.
L’homme et la femme, pendant
l’éphémère période de leur bonheur primordial, étaient donc nus mais ne le savaient pas. Ils se regardaient et ne
se voyaient pas. Adam regardait Eve et ne se rendait pas compte qu’elle était
nue, qu’elle était femme.
Il fallut la sublime catastrophe
de la désobéissance pour que la nudité fût et se sût.
Et tout cela est déclenché par le
geste d’Eve de cueillir la pomme à l’arbre de la Connaissance.
Eve avait très tôt commencé à s’ennuyer
dans ce trop parfait Jardin de la béatitude éternelle aux côtés de cet homme
indolent et infiniment satisfait qui la regardait à peine.
Et lorsque le Serpent lui proposa
la connaissance et la mort, elle acquiesça aussitôt et cueillit la fatale &
libératrice pomme. Et y fit mordre l’homme.
Aussitôt ils se rendirent compte
qu’ils étaient nus (Gen 3:7), cela les troubla et ils se couvrirent le
bas-ventre.
Et l’homme désormais aura désir
de découvrir le bas-ventre de la femme. Et voir. Et toucher. Et pénétrer.
9.
Prenant
modèle sur Leopardi et ses recherches étymologiques, et sur Wittgenstein avec
ses enquêtes sur le ‘Sprachgebrauch’, j’examine le mot anéantir, et je pense que s’il signifie réduire à néant, je peux dire que si je dis elle m’a anéanti, c’est pour dire qu’elle m’a réduit à néant.
10.
Look she has no clothes on and I only
wanted to be a friend and maybe talk about art. ― Jim Harrison, 15th letter to Yesenin
AUTRE LIASSE
Le Murmure du monde, volume VIII
inédit
.
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Rebeyrolle (pour la correction) autrement tout est parfait :-)
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