evening walk along the Atlantic - photo L. Sch. |
En vingt jours, j’ai prononcé
par jour six ou sept bouts de phrases, en dehors des commandes de repas, et des
réponses aux courtoises routinières questions How are you? —
Thank you I’m fine, and you ? parfois les gens m’adressent
jovialement la parole, me voyant penché sur mes feuillets, ils demandent à quoi
je m’occupe, et je leur donne quelques explications sur mon métier, qui n’est
pas un métier mais est quand même un métier, et tout ça dans mon anglais
approximatif, qui fait un abus de mots d’origine latine, et tout ça sous mon vieux
chapeau, mon chapeau aux larges bords qui est censé me protéger des attaques du
soleil contre mon trop haut front, et le soir je marche le long de la mer,
contemple pensivement les grosses vagues de l’Atlantique lancer leur écume
contre les rochers, elles font ça depuis tant de millions d’années, je suis à
l’autre bout du monde, et me demande sans cesse ce que je fais à l’autre bout
du monde, je pourrais tout aussi bien me demander ce que je fais au monde tout
court, bout ou pas bout, j’ai à me transporter, dans mes sandales de clodo,
avec le poids de ma tristesse, maudit rejet d’amour qui m’a en pleine poitrine
frappé, brisant la moitié de mes côtes, alors je gémis un peu, et là-haut dans
le ciel bleu je regarde deux (deux !) mouettes blanches voler,
souveraines, portées par le vent, métaphore de légèreté.
Le murmure du monde, vol. VII
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