dessin L. Sch. - 03 04 2018
78.
Plus tard
fallait revenir aux questions de Kundera, je ne vois vraiment que lui pour
poser ce genre-là de questions, que ne poseraient ni Pitol, ni Vila-Matas, ni
Monterrosso, ils sont dans un tout autre registre, pas érotomanes, alors que
Kundera je l’ai toujours connu érotomane, curieux des choses du corps, excité
par les mystères de la femme, et de temps en temps, par fulgurance, il en
parle, mine de rien, sans transition, sans avertir, de fermer les yeux et les
oreilles, disant soudain ce qu’il ne peut s’empêcher de taire, moments de
déséquilibre, d’excitation, je te menace
d’une colombe blanche, et Vronski, a-t-il su faire jouir Anna K., et elle,
n’était-elle pas frigide, faisaient-ils l’amour dans l’obscurité, à la lumière,
au lit, sur le tapis, en trois minutes, en trois heures, on ne saura jamais, ce
n’est pas dit, les romanciers, en ce temps-là, ne se permettaient pas de dire,
ils avaient plein de dons que l’on ne trouve plus aujourd’hui, mais rien sur et
autour du coït, les amants échangeaient-ils des propos romantiques, des obscénités,
ou gardaient-ils le silence, on ne saura jamais si elle disait queue et bite et
con et cul, ou des circonlocutions plus botaniques, toujours dans la ville,
j’observe et guette les couples, comment ils sont ensemble, ce qui se passe
entre eux, comment ils se regardent, on n’entend pas ce qu’ils se disent, alors
on imagine, et ça ne fait que des impasses, pour le soir j’ai mis une autre
chemise, aux manches propres, c’est quand même important d’être présentable.
4 avril 2009, Montpellier, place Chabaneau
LES PARASOLS DE JAURÈS
Le Murmure du monde / 8
(à paraître aux éditions Binsfeld)
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