peinture Jean Dubuffet |
Quand vient ce trouble
et qu’on veut dire ce trouble et que les mots ne viennent pas, les mots qu’il
faudrait, et cela augmente encore le trouble, qui en devient une sorte de
vertige, et on voudrait un peu diminuer ce vertige, c’est un trouble un peu
trop fort, cela pourrait être euphorique mais ça ne l’est pas, parce que c’est
un trouble qui déséquilibre un peu trop, et donc est en train de devenir comme
une souffrance, sur une image les lèvres tout humides s’arrondissent autour d’un
gland, et on se trouble à regarder cette image, et la remembrance si vive de ce
que cela fait comme sensation, lèvres autour du gland, et la remembrance si
vive d’un moment où cela s’est fait, plus rien d’autre dans l’univers ne
compte, la théorie de l’univers tombe dans l’aphonie, toutes les planètes en
perdent leurs noms, toutes les rivières & tous les fleuves coulent en sens
inverse, tout mon être est corps & âme à la merci de cette bouche, et c’est
ce trouble que je veux dire, et rien ne vient, je mets la plus blanche de mes
chemises blanches, j’étale la plus blanche de mes pages blanches, puisqu’il y a
ce trouble à dire, cette sensation inouïe d’être au chaud dans le chaud de
cette bouche, fallait pas regarder cette image, le blanc de la page a couleur
de linceul.
AUTRE LIASSE
proseries
chapitre 96
inédit
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