mercredi 31 mai 2017
mardi 30 mai 2017
LE CAHIER DE NAROKI, 1-33
lundi 22 mai 2017
PROSERIES, chapitre 115
dimanche 21 mai 2017
PROSERIES, chapitre 114
mercredi 17 mai 2017
AUTRE LIASSE, chapitre 28 - furtivement
dessin Ekşioğlu Gürbüz Doğan |
chapitre 28
1.
Dans la volumineuse collection
d’images, je me souviens de ce portfolio d’une soixantaine de photos noir &
blanc de danseuses dans la grande salle aux miroirs, parmi dentelles et tutus
il y avait du Tchaïkovski et du Delibes dans l’air, les danseuses étaient nues,
se mettaient gracieusement dans des attitudes de danse, bras levés, jambes
écartées, et au gré des postures on voyait les vulves ouvertes parmi le
foisonnement des poils, je me souviens que c’était bien bandant, les images ont
brûlé.
2.
Si les bœufs et les
lions avaient des mains et pouvaient peindre comme le font les hommes, ils
donneraient aux dieux qu'ils dessineraient des corps tout pareils aux leurs,
les chevaux les mettant sous la figure de chevaux, les bœufs sous la figure de bœufs.
Cette fameuse réflexion de Xénophane (né entre
570 et 560 à Colophon, cité grecque d’Ionie) a été sauvée de l’oubli et de la
perte parce qu’elle a été mentionnée par un Père de l’Eglise, Clément
d’Alexandrie (150-215), dans son ouvrage « Les Stromates » où il
réfute les hérésies et expose la vraie connaissance (la vraie gnose) qui permet l’union mystique avec Dieu.
Des œuvres de Xénophane, toutes perdues, il ne
reste que quelques centaines de fragments et allusions disséminés dans les
ouvrages d’auteurs anciens comme Diogène Laërce, Aristote, Sextus Empiricus,
Cicéron.
Le jour où j’exécuterai mon projet de
rassembler dans un volume les cent plus pertinentes pensées jamais pensées, je
commencerai par celle-là de Xénophane ― et toutes les autres devront en atteindre
le niveau.
3.
Quand j’entends la cloche du proche clocher
sonner quatorze heures un quart, unique tintement, je pense soudain à la
cloche, toute proche aussi, dans l’autre village, qui sonnait les quarts
d’heure, pendant que dans le silence de l’après-midi, nous faisions l’amour, et
bien nombreux étaient les quarts d’heures que la sainte cloche sonnait, et
c’étaient de douces sonneries, comme si le bon Dieu, souriant, acquiesçait à
nos voluptés.
4.
En 1953, quand Françoise Sagan écrivait, à
dix-sept ans, « Bonjour tristesse », l’expression faire l’amour choquait.
En 1949, quand Simone de Beauvoir écrivait
« Le Deuxième Sexe », clitoris était
un mot incongru.
Jean Schlumberger, relatant dans son
« Eveils » (1950) des souvenirs de son enfance en 1890, écrit : Si quelqu’un avait prononcé à notre table un
mot tel que ‘derrière’, nous serions
devenus rouges comme des tomates, et si ç’avait été ‘fesse’, nous aurions cru que le lustre allait
tomber.
Montaigne, quant à lui : Qu'a
faict l'action genitale aux hommes,
si naturelle, si necessaire et si juste, pour n'en oser parler sans vergongne
et pour l'exclurre des propos serieux et reglez? Nous prononçons hardiment:
tuer, desrober, trahir; et cela, nous n'oserions qu'entre les dents? (Essais,
III, 5).
Dans mon livre « Le Fracas
des nuages » (2013), il y a 37 fois le mot vulve, 21 fois vagin, 5
fois pénis, 15 fois bite, 10 fois queue ― et 87 fois Dieu.
5.
Faut pas abuser des pesants
adverbes, mais parfois c’est inexorablement.
6.
La licorne n’existe pas. Qui
affirme le contraire, se fera taper sur les doigts par les philosophes autant
que par les savants, selon l’argument évident qu’on ne peut pas affirmer
l’existence de quelque chose qui n’a pas été prouvé par l’expérience.
Cet argument, appliqué à Dieu,
n’inquiète pas le philosophe chrétien Vladimir Soloviev (1853-1900) qui
n’hésite pas à affirmer que la certitude de l’existence de Dieu repose sur l’expérience
religieuse, dans la longue lignée des prêcheurs et apologistes depuis les
premiers siècles du christianisme. Rien de nouveau, juste une reformulation.
Il écrit : Que nous soyons convaincus de l’existence
réelle de Dieu est inséparablement lié aux phénomènes qui sont donnés dans
l’expérience religieuse et que nous référons à l’action de Dieu sur nous. (« Der
Gottesbegriff », in : « Werke, Band VIII, » München, 1979,
p. 311 ― trad. L. Sch.)
Il faut dire qu’il fait une
grossière erreur en écrivant nous dans
la phrase citée, au lieu d’écrire je.
S’il écrivait, correctement &
honnêtement : j’ai l’expérience de
Dieu, on en prendrait acte. Mais une telle affirmation n’est ni contrôlable
ni réfutable, elle n’a aucune portée philosophique ou scientifique. Elle n’a
pas d’autre sens que subjectif et anecdotique. Aucun débat n’est possible.
7.
Pourquoi
y a-t-il quelque chose plutôt que rien… ? ― Selon
David Markson (« Reader’s Block », 1996), c’est Leibniz qui dit ça.
Selon Charles Simic (« The Life of Images », 2015), c’est Parménide.
8.
A sa femme, morte le 7 septembre
1924, Jean Schlumberger écrira une lettre, pendant quarante ans, chaque année,
le 7 septembre.
9.
En 1959, Karl Shapiro écrit sur
Henry Miller dans « Two Cities » : Let’s assemble a bible from his work, and put one in every hotel room
in America, after removing the Gideon Bibles and placing them in the laundry
chutes.
Moralement Shapiro regardait
Miller comme un saint homme : Gandhi
with a penis.
10.
Toutes les six semaines il va la
voir, une demi-heure ou une heure, pas pour la voir, c’est trop douloureux, pas
pour lui parler, que lui dirait-il, pas pour l’écouter, que lui dirait-elle, il
va la voir pour le baiser qu’il lui donne, sur la bouche, furtivement, au
moment de repartir.
AUTRE LIASSE
Le Murmure du monde, volume VIII
inédit
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