peinture © Jean-Marie Biwer, 2001 |
Ce
qu’il faut noter, c’est que ce matin-là, M. Puntavero (ou Kowalski ou Urabanou
ou Löwenfeld ou Reenforth) se réveilla avec le jour et la réflexion très nette
que ceci était peut-être possiblement plausiblement sa dernière nuit, rien de
lugubre dans cette réflexion, au sortir du sommeil, si lourd soit-il, on est
dans une sorte de légèreté, de fraîcheur sinon d’innocence, et puis il y a
l’incontournable prestige de la statistique, c’est des colonnes et des colonnes
de chiffres, cela comptabilise, unbeirrbar,
les destins dans l’inexorable chronologie qui est grande mangeuse, et ainsi
M. Puntavero, ce matin-là, comme le matin précédent d’ailleurs, se réveilla
avec le jour, un jour d’autant plus fantomatiquement clair déjà que dehors il y
avait une épaisse couche de neige, ce n’était donc pas seulement une réflexion
de lucidité existentielle, mais aussi une intuition hivernale, les intuitions
de décembre ne sont jamais comparables à celles par exemple d’avril ou même
d’août, faut pas charrier, à côté de son oreiller M. Kowalski a toujours à
portée de stylo son cahier de notes existentielles & eschatologiques, il a
beau vivre dans le vague & le flou, ses notes sont toujours aiguës, il n’y
a plus, note-t-il, aucun angle à arrondir, ça écorche et entaille de partout,
et la carotide, la carotide, elle peut sauter à tout moment, y a pas photo, il
n’a plus vraiment de voix, à peine un murmure, un fluet vagissement inarticulé,
une lallation gargouillante à cause du sang qui encombre la trachée, M. Reenforth
appelle à l’aide, et pour toute réponse la neige se remet à tomber, silencieusement.
inédit - projet LE FRACAS DES NUAGES, 2011
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