dimanche 1 janvier 2012

hommage en sol majeur...

Domenico Scarlatti (1685-1757) - graphisme L. Sch.



C’est un des nombreux miroirs rectangulaires sur les murs parmi l’encombrement. Souvent il est vide. De temps en temps y passe un personnage, mal cadré. Les mauvais cadrages, parfois il faudrait les figer, les conserver, en faire une image. Le nombril, les aines, une hanche, et le membre qui pend, et les couilles rondes : cadrage d’une fraction de seconde. Puis dans la brèche du temps, abruptement, sans autre témoin que le tain : Scarlatti. Nous n’avons jamais vu son visage, ne savons s’il existe de lui un portrait, en peinture ou en gravure. Etait-il amant ou seulement musicien ? Comment savoir ? Scarlatti prend son membre dans les deux mains, au milieu du salon doré, la bague avec la grosse améthyste à sa main droite brille. C’est l’automne. C’est Madrid. Scarlatti projette quelques giclées de sperme sur le parquet du salon doré. Des mélodies lui viennent, castagnettes claquent dans sa tête. Le vent qui s’engouffre par la fenêtre sent bon, vent du soir, faseye le rideau en tissu de Mossoul. Tout nu qu’il est au milieu du salon, Scarlatti esquisse un pas de menuet, murmure : Je ne suis pas danseur, je ne suis pas danseur. Mais bonne nouvelle : Je ne suis pas malade, je ne suis pas vieux. J’habite le palais de la musique, j’ai la tête pleine de notes, et les bourses pleines de semence. Voici l’automne. Voici le printemps, je vais de saison en saison, ce sera bientôt la nuit des aubépines, pine pine. Je fais des phrases avec bite et pine, pourquoi pas, et ça jaillit de moi, perlants arpèges de prélude et chantantes fugues de foutre. Pure offrande. Libation. Jubilation, allegrissimo. Je ne suis pas danseur, je suis musicien. Je me promène, là, sur la planète. Aujourd’hui nous avons une belle saison. Je suis dans l’allégresse au plus profond de mon âme et au plus raide de ma queue. Le vent du soir sent si bon, il entre par la fenêtre. Et je ne suis pas malade. Et mon membre dressé, c’est un état de grâce. Il me viendra là-dessus quelque chose en sol majeur. 


 dans: LA TRAME DES JOURS, éditions des Vanneaux, 2010

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