Ferndinand Hodler (1853-1918) |
Ils ont des yeux sans regard, les hommes qui n'ont pas été aimés et caressés. Ils ont des corps laids et indécents, les hommes à qui aucune amante n'a jamais dit qu'ils étaient beaux. Ils ont surtout un pénis obscène, saugrenu et ridicule, les hommes qui n'ont jamais été amoureusement ensalivés par des lèvres heureuses, leurs boules produisent un liquide mauvais et méchant, puisqu'aucune femme ne l'a jamais fait couler sur ses mains, sur sa peau, dans son ventre. Pour être moins moches, il vaudrait mieux que les hommes, ils se coupent ça, une fois pour toutes.
Et ceux qui n'ont pas eu le cran de se couper tout ça, ils vont en pension chez la veuve Poignet qui leur sert à chaque repas le même pot-au-feu, morne régal. D'autres montent chez les putes et croient se faire un phallus quand ils trempent leur misère dans des tirelires sans fond. Mais leur mocheté, elle reste si moche qu'ils doivent faire pitié aux anges du ciel. Mais voyez-vous un ange du ciel leur dire: viens, tu m'excites, tu es beau à baiser. Alors ceux-là aussi, tôt ou tard, finiront par se le couper.
dans PIEDS DE MOUCHE. Petites proses, éditions phi, 1990
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