jeudi 28 juin 2012

almost a love story...

Théodore Géricault, dessin (détail)




elle dirait juste : prends-moi dans tes bras
et dans ce cas-là, oui, peut-être je le ferais

la bercerais tout doucement
laisserais son envie monter et s’épanouir

et plus tard, bien plus tard
elle voudrait que je la prenne

j’ai toujours su que cela arriverait
dit-elle, lovée contre moi

mais j’anticipe, il ne s’est encore rien passé



ce qu'il y a...






ce qu’il y a : il y a la brouette
un peu rouillée mais encore vaillante

il y a en haut de son pieu un peu penché
la petite cabane d’hiver pour les mésanges

il y a au bord du terrain un monticule
de caillasse où poussent des coquelicots

il y a le long de la façade jusqu’à trois mètres
le rose rosier en pleine éclosion

 il y a tout alentour le gazouillis de la vie




mardi 26 juin 2012

et partir...

Soulages, lithographie, 1972




c’est la veille de la mort, ma mort
mais faut pas m’écouter, je déconne

c’est Alejandra Pizarnik, les mots qu’elle met
qui ce soir me donnent  le vertige

la chatte se prélasse sur une poutre
trois chevaux broutent dans la prairie

c’est un jour d’été, tiède & clément
et partir, oui, aller où elle est allée

je laisse en moi les mots déferler

lundi 25 juin 2012

Sloggi






Ils sont encabanés, homme & femme, pour quelques heures dans cette limousine, qui roule à vive allure vers le sud, la femme a mal au cœur, mal à l’âme, voudrait somnoler, n’y arrive pas, l’homme, mains crispées sur le volant, rêvasse aux petits seins de la secrétaire, il n’a aucune envie d’aller vers le sud, que feront-ils dans le sud, dans cet hôtel trop luxueux, trop cher, que feront-ils dans ce grand lit-baldaquin dans lequel ils ne feront rien sauf la grasse matinée, petit-déjeuner devant la mer à onze heures trente, il n’a tellement pas envie d’aller dans le sud qu’il roule à 150, mains crispées sur le volant, et pas de radio, parce que sa Mathilde a, encore, mal à la tête, avachie dans son fauteuil, elle somnole, puis ouvre un œil et murmure : roule moins vite, après Lyon, les nuages disparaissent, ciel bleu, avant-goût du sud, nom de Dieu, pense-t-il, la vie pourrait être belle, pour la première fois depuis leur départ il y a trois heures, il jette un furtif regard sur sa femme, elle a l’air de dormir, nom de Dieu, pense-t-il, notre vie était belle autrefois, il a envie de la toucher, il la touche, pose sa paume sur le genou, et Mathilde aussitôt pose sa main sur la main de son homme, puis retrousse sa robe, ouvre les jambes, cherche le regard de l’homme et dit : regarde, j’ai mis un Sloggi, deux secondes plus tard le véhicule fait plusieurs tonneaux, les deux passagers sont éjectés.



mercredi 20 juin 2012

dans le gouffre...

Pierre Soulage, peinture


 scenderemo nel gorgo muti  
Cesare Pavese 

descendrai-je dans le gouffre muet
ou en hurlant, je ne sais pas

se dissoudront les cent milliards
de cellules de ma cervelle

et rien, absolument rien ne subsistera
de tout ce que j’aurai thésaurisé

les images et les mots et les sourires
les regards et les larmes et les caresses

à l’instant, ici & maintenant, je t’aime




les passereaux, ils savent...

Pierre Soulage, peinture




les passereaux, j’en suis sûr
maintenant, les passereaux, ils savent

l’églantine, plus de doute, elle sait
elle a depuis longtemps tout compris

aucune énigme ne les préoccupe
aucun mystère ne leur pèse

et les passereaux, ils gazouillent
et l’églantine, elle fredonne

et moi, et mes mots, ne savons rien
 
 
 

soudain comprendre...

Turner, The Morning after the Deluge, 1843, Tate Gallery




sans cesse à deux millimètres
de perdre, littéralement, la raison

on avise le monde alentour
tout est en place, tout concorde

et puis non rien n’est en place
tout bouge et vibre et menace d’exploser

dans toute cette impassible ordonnance
rien, absolument rien ne va de soi

soudain comprendre et perdre la raison