dimanche 5 février 2012

AIRELLES DANS LA KOLYMA

airelles de la mort...




Sur le territoire d’une forêt abattue l’hiver précédent, le soldat Siérochapka suspend ci et là des jalons faits d’herbe sèche tressée pour délimiter l’aire de travail de ce jour-là — au-delà des jalons, c’est zone interdite.

La tâche pour la petite troupe de prisonniers consiste à déraciner les souches, de les scier et de les mettre en piles.

Sur le terrain, entre les souches, poussent des buissons d’églantines et d’airelles ; les airelles rouges, saisies par le givre, ont viré au gris bleu et ont gardé leur jus sombre d’un noir bleuté, au goût indiciblement délicieux.

L'un des prisonniers, Rybakov, pendant le travail, en cachette, cueille des baies et les met dans une boîte à conserves : s’il remplit sa boîte jusqu’au soir, le cuisinier du camp la lui échangera contre du pain.

Vers le soir sa boîte est toujours à moitié vide ; il remarque quelques buissons, à deux mètres, au-delà des jalons…

Le soldat Siérochapka a observé la manœuvre, vise et fusille Rybakov.

  (d'après un épisode raconté par Varlam Chalamov)
dans: LE FRACAS DES NUAGES, à paraître au Castor Astral en mai 2012

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