Alcides Radaelli, musicien virtuose, était
premier timbalier dans l’orchestre du Concertgebouw depuis plusieurs
années ; première fois depuis la fondation de la fameuse institution
amsterdamoise qu’un Italien, timpanista di
Salerno, occupait ce pupitre. Un soir, en pleine exécution de Also sprach Zarathustra, Alcides
Radaelli reçut un message de sa fiancée, sms de rupture brutal, ordurier et
sans appel, le timbalier s’effondra sur sa chaise, ferma la partition, ferma
les yeux, puis après quelques instants, quitta la scène, quitta la Hollande,
quitta l’Europe, quitta la musique, bateau pour le Québec, train pour Vancouver, où
il se réfugia dans une mansarde, avec vue sur un mur en briques brunes, der Paukenschläger ist untergetaucht, sur
la petite table en formica noir de son coin cuisine, avec le dos de deux
cuillers en fer blanc, à longueur de journée, il tapait des messages de morse,
à l’intention du ciel autant que de la fille, au cours des années, en texte,
cela aurait fait un livre de plusieurs centaines de pages, der Paukenschläger ist abgesackt, dans le formica de la table,
milliers de petites blessures, le locataire suivant de la mansarde, après
l’expulsion de Radaelli, se débarrassa aussitôt du petit meuble abîmé, et mit à
la place une jolie table en sapin, dix-huit dollars dans une brocante.
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