Petit canif à manche
nacré, long d’un demi-doigt, c’est dans un cauchemar de Kafka, dont on sait qu’il
n’est jamais allé au théâtre de La Fenice, ni seul ni avec sa femme, puisqu’il
n’avait pas de femme, Rodrigo Santelli pensait que Kafka n’était jamais allé à
Venise, il se trompe, Kafka était allé à Venise, en 1914, mais on sait qu’il n’est
pas allé au théâtre de la Fenice, son cauchemar avec le petit canif à manche
nacré n’a donc pas eu comme théâtre La Fenice, à moins que le théâtre du
cauchemar n’ait été une Fenice fantasmée, comme était fantasmée la femme qu’il
appelait « ma femme », Rodrigo dans sa fausse hypothèse que Kafka n’était
jamais allé à Venise, avait parlé d’une Venise fantasmée, ce qui peut paraître
bien plausible, puisque fantasmer Venise, vu toutes les images dont Kafka
pouvait disposer, et fussent-elles en noir et blanc, fantasmer Venise, pour Kafka,
n’avait donc rien d’insurmontable, Rodrigo Santelli publia une première fois
son essai, une trentaine de pages, sur le cauchemar « L’incubo del temporino »
chez Rombi, à Palerme, en 1934, puis une version remaniée, en 1965, chez Mondadori,
avec une préface d’Italo Calvino, le petit canif à manche nacré devait, selon
lui, servir à pénétrer entre les côtes du dangereux rival de Kafka, essayer d’atteindre
le cœur, percer le cœur, faire éclater le cœur, et ainsi Franz, canif à la
main, se serait légitimement emparé de la femme assise à côté de lui dans la
loge à La Fenice.
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