JAZZ FEMELLE
D’année en année on oublie, perd de vue, ces
innombrables miracles qui se produisent pendant la deuxième moitié
d’avril : le retour du printemps, retour à la vie après la paralysie de
l’hibernation, on était profondément malade et on ne s’en rendait pas vraiment
compte, continuait à respirer par habitude mais sans enthousiasme, sans
conviction, on se traîne, soupire, on est un peu porté, c’est vrai, par une
sorte d’espoir : je vais, peut-être, m’en tirer, il se pourrait que j’aie
la chance, cette fois-ci encore, de revenir à la vie au lieu d’aller à la
fosse, puis il y aura cette nuit d’avril où le magnolia sera prêt, le
lendemain, à éclore, ses mille érections de bourgeons éjaculeront des fleurs,
mais le gel menace, le gel guette, la fleur chaque fleur toute fleur n’est que
sexe, bite & vulve, innocemment obscènement brandis, j’aime l’innocence,
j’aime l’obscénité, j’aime la vie, j’aime le plaisir, j’aime l’orgasme, celui
de l’homme avec le jaillissement du sperme, celui de la femme, violent orageux
multiple, explosivement symphonique et fauvement jazzique, le cerisier vient
d’éclore ses milliers de blanches fleurs, c’est l’image emblématique de
l’orgasme, dépense pure & gratuite, – puis mourir pendant que fleurit le
cerisier, qu’importe.
La pivoine de Cervantès
éditions La part commune, 2011
La convulsion de la chair, au delà du consentement, demande le silence, elle demande l'absence de l'esprit. Le mouvement charnel est singulièrement étranger à la vie humaine: il se déchaine en dehors d'elle, à la condition qu'elle se taise, à la condition qu'elle s'absente. Celui qui s'abandonne à ce mouvement n'est plus humain, c'est à la manière des bêtes, une aveugle violence qui se réduit au déchainement, qui jouit d'être aveugle, et d'avoir oublié.
RépondreSupprimerGeorges Bataille