dessin Vincent Crépin |
chapitre VI
1.
Dans un des plus anciens catalogues de la
bibliothèque d’Éphèse, vers 275 av. l’ère chrétienne, figurent plusieurs
ouvrages de Stochios de Smyrne : un traité astronomique, une étude sur les
plantes médicinales caucasiennes, un recueil thérapeutique sur les maladies de
la peau – ils ont tous disparu, il n’en reste que quelques traces de citations
dans des compilations arabes datant des IXe et Xe siècles
2.
Avant l’édition alexandrine, en 135 av. l’ère
chrétienne, les deux livres de Stochios de Smyrne sur le sexe de l’homme et sur
le sexe de la femme n’avaient jamais été réunis en un seul volume
3.
Stochios n’a sans doute jamais quitté Smyrne
où il est né vers 310 et mort en 259 av. l’ère chrétienne ; par une brève
allusion biographique dans Diogène Laërce (qui classe Stochios parmi les
médecins-guérisseurs) on sait qu’il a eu pendant quelques années une liaison
assez orageuse avec la femme d’un haut fonctionnaire damascène en poste à
Smyrne
4.
Quand dans le récit de voyage, je lis :
« Pendant tout le trajet à travers Villefranche, de feu rouge en feu
rouge, elle dormait… » — ça m’émeut aux larmes
5.
Stochios de Smyrne écrit 134 Apostilles sur
le sexe de l’homme. Stochios de Smyrne écrit 619 Apostilles sur le sexe de la
femme
6.
Stochios de Smyrne a mis dix mois à écrire
ses Apostilles sur le sexe de l’homme. Stochios de Smyrne a mis deux ans à
écrire ses Apostilles sur le sexe de la femme
7.
Stochios de Smyrne écrit, dans la 22e
Apostille sur le sexe de la femme : « Sur le sexe de la femme il y a
tellement plus de choses à dire que sur le sexe de l’homme ». Stochios de
Smyrne, dans la 109e Apostille sur le sexe de l’homme écrit :
« Le sexe de l’homme est simple & laid, le sexe de la femme est compliqué
& beau »
8.
Le livre « A l’étale » de François
Angot, mort en 2010 à cinquante-deux ans, je l’ai acheté un jour, un horrible
jour de l’horrible mois de juillet de l’horrible année 2014 dans l’horrible
ville de Sète, le livre avait paru deux mois auparavant chez Al Manar, c’est
une élégie d’amour de 559 pages — tout en haut de la page trente-cinq, juste
six mots, rien d’autre sur la blanche page : tu sais que je t’aime
9.
Mots bêtes & amers que je lui dis, sachant
bien que cela ne va pas l’émouvoir, mais parfois j’ai des crises de
languissement d’elle quand des éclairs de souvenirs me foudroient, et elle est
si loin et tellement hors de portée, pendant toute la traversée de
Villefranche, de feu rouge en feu rouge, elle dormait, à côté de moi, la joue
sur le bleu coussin…
10.
Stochios de Smyrne a publié en 249 avant l’ère
chrétienne à Alexandrie un ouvrage de soixante six strophes de neuf vers,
réparties par 33 et 33 dans deux livres. Le premier livre, ce sont des
célébrations obsessionnelles, le deuxième des lamentations obsessionnelles. Dans
chaque strophe il évoque, dans des tournures aussi hardies que sophistiquées,
la beauté de son aimée. Et chaque strophe se termine par un vers qui évoque l’exquise
splendeur de son sexe
La liasse des dix mille fragments
Le Murmure du monde, vol. VI - inédit
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