lundi 22 mai 2017

PROSERIES, chapitre 115

peinture Pierre Aleschinski



115.

Nous plaçons nos hommes, une douzaine environ, à différents endroits de la ville, appliquant un adage, dont le sergent prétend qu’il remonte à Clausewitz, mais qu’il a sans doute bricolé lui-même un soir de demi-déprime dans le caveau qui nous sert de logis, cambuse, dortoir, boudoir, mouroir, et probablement bientôt de dernière demeure, avec une poutre dans la boîte crânienne, adage donc, disais-je, qui stipule que chaque homme abattu nous rapproche de la victoire, plus tu en tues, mieux tu gagneras, nos hommes, aux différents endroits de la ville, sont actifs pendant les jours d’accalmie, parce que pendant les combats il y a trop de désordre, et les cadavres de part et d’autre, de toute façon, se comptent par centaines, parfois par milliers, c’est la routine, les statistiques bougent considérablement, mais pendant les jours d’accalmie, souvent ensoleillés, dans le silence absolu, rien ne bouge, et nos tireurs sont à l’affût, derrière leurs lunettes, puis tôt le matin, là-bas, une tête apparaît à une lucarne dans le toit, et aussitôt nous lui explosons la cervelle, ça coule blanchâtre & rougeâtre le long des ardoises en pente, c’est bon pour la statistique.



PROSERIES
chapitre 115
Le Murmure du monde, vol. VII
inédit






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