mercredi 24 août 2016

PROSERIES - chapitre 88

dessin Ekşioğlu Gürbüz Doğan




Je dis : Je voulais encore te dire, et arrivé au double point que je mets mentalement, pour aménager un instant de pause, ce n’est pas si facile de dire ce que je veux dire, et je reprends mon souffle, et ne dis rien, rien ne sort, l’instant se prolonge, la pause dure,  le double point clignote, et je ne dis rien, aucun mot ne sort, et même si un mot était sorti, tu ne l’aurais pas entendu, puisque tu n’es pas là, et si tu avais été là, je le sais, tu aurais préféré que je ne dise rien, tu appréhendes, je le sais, les mots que je pourrais encore dire, ça t’arrange, même si tu n’es pas là, que je ne dise plus rien, plus tard j’aurais peut-être pu te rapporter ce que je voulais dire et n’ai pas réussi à dire, je t’aurais rapporté des paroles non dites, ce qui est absurde, on peut pas répéter ce qui ne s’est pas dit, ces paroles inexistantes m’appesantissent la système, spectres de paroles, si je mourais, là, je les emmènerais dans le cercueil, puis elles se décomposeraient avec moi, et tu ne sauras jamais quelles étaient les dernières paroles que je voulais encore te dire, mais tu diras sans doute : je t’ai assez entendu.


PROSERIES
chapitre quatre-vingt-huitième
inédit



.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire