mercredi 10 décembre 2014

Yahvé champion





Fragment 938 — Avant d’être Dieu, j’avais un nom, j’étais un dieu parmi beaucoup d’autres, j’étais le dieu des Hébreux, je m’appelais Yahvé.
Dieu des Hébreux comme Assur était celui des Assyriens, Marduk celui des Babyloniens, le dieu de l’Orage celui des Hittites, Zeus celui des Grecs, Wotan celui des Germains.
C’était l’époque de la monolâtrie : chaque peuple s’était assuré, par des sacrifices et des prières, un dieu national qui devait l’aider à subsister et à se défendre contre ses ennemis.
L’idée ne serait jamais venue aux monolâtres de nier l’existence de tous les autres dieux ; ils espéraient juste que leur dieu à eux, en cas de crise, serait plus puissant que celui des voisins, et cela galvanisait leur ferveur.
On a souvent parlé de Moïse quand on étudiait mon cas. Moïse était un monolâtre.
C’est un anachronisme que de dire : Moïse croyait en Dieu, Moïse ne croyait pas en Dieu, Moïse faisait allégeance, au nom de son peuple, à Yahvé.
C’est le sens du Premier Commandement qu’il promulgua, faisant entendre explicitement que c’est moi qui lui avais dicté cela : « Tu n’auras pas d’autre dieu que moi » — et cela ne voulait dire rien d’autre que : tu ne loucheras pas du côté de Marduk, d’Assur, de Baal ou d’autres divinités.
A cette époque-là, vers le XIIIe siècle avant l’ère nouvelle, on était partout en plein polythéisme. Ce que les savants appelleront le monothéisme ne sera élaboré que beaucoup plus tard, plus de mille ans après Moïse.
Longtemps avant ma carrière universelle, j’étais un protecteur tribal, et c’est en tant que tel que je me suis présenté à Moïse lors de notre rencontre en Egypte. Je lui dis (les mots sont marqués dans mon livre « L’Exode », 3.15) : Tu parleras ainsi aux enfants d’Israël : Yahvé, le Dieu de vos pères, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob, m’a envoyé vers vous. C’est le nom que je porterai à jamais, sous lequel m’évoqueront les générations futures.
En quoi je me suis gouré de façon flagrante. Puisqu’une dizaine de siècles plus tard, en Europe, et ensuite dans le reste du monde, personne (à l’exception des juifs) ne m’appellera jamais Yahvé.
En perdant mon nom, j’ai commencé ma toute nouvelle carrière de seul et unique Dieu de l’univers.
En termes savants : de la monolâtrie tribale au monothéisme universel, — quelle promotion. Et plus personne ne parle de Marduk, d’Assur, de Mithra : Yahvé a gagné le match.

dans "Fragments du journal intime de Dieu" - inédit

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire