peinture Pierre Aleschinski
chapitre 103
Puis sortir ce mouchoir,
vieille écharpe népalaise en soie noire qui sent le slivovice, combien de
larmes y ai-je mises, peux pas dire, monumentale musique de cirque, cent
quatre-vingt musiciens en livrée, trois grosses caisses à l’unisson mettent
soudain fin à la déchirante plainte de l’alto, guirlande coupée par une hache, Schnittke
avant de mourir, tous mes disques de Schnittke, trente ou quarante, ne sais
plus, sont partis dans une
épouvantable puanteur chimique, pendant un interminable point d’orgue des
cordes le clavecin scande lancinamment avec d’innombrables tierces
discordantes, puis après l’abîme du silence final, le magnifique visage de Yuri
Bashmet tout dégoulinant de sueur, ultime note monocorde prolongée sur plusieurs
mesures, Bashmet finit par sourire, longtemps après l’abîme du silence final,
il finit par sourire, Schnittke mort depuis vingt ans, la vieille écharpe noire
qui sent le slivovice, je l’avais déjà de son vivant, quand j’ai découvert, tard, sa musique, il était en train
de mourir, pendant qu’il mourait j’écoutais la « Suite Gogol »,
poignante déchireuse musique de cirque, pleurer sur le mouchoir-écharpe, valse
hilare & désespérée, rachat par les larmes, clown beckettien tape sur un Bösendorfer
noir funèbre, irons dans le trou sur un air à trois temps, andante poco mosso
& assolutamente moriendo.
PROSERIES
chap. 103
inédit
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